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Elanor - (Chap. 4 )

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CHAPITRE 4 - La diététique du coeur


Serra

           J’étais en train de compter les minutes dans ma tête tout en fixant l’horloge en face de moi. Je n’attendais qu’une chose : qu’il soit dix neuf heures pour que je puisse quitter ma pharmacie et rejoindre mes amis dans ce petit pub en plein cœur de la ville.
           Au lieu de cela, j’étais piégée avec une cliente dont le choix était indécis pour la couleur de ses collants de contention. Je lui avais présenté tous les modèles disponibles, mais non, rien n’y faisait… Dans moins de cinq minutes nous étions censées fermer mais à ce rythme les autres clients allaient en profiter pour rentrer et venir se faire servir !
— Je suis vraiment désolée, mais j’hésite entre ces deux teintes… me disait-elle avec un sourire béat qui me narguait.
           La porte s’ouvrit et le détecteur de mouvement émit un son, une personne venait d’entrer… Quelle poisse !
           Sylvie, une de mes collègues préférées, s’empressa de s’en charger. Elle portait tout comme moi la blouse blanche réglementaire réservée au personnel de santé. Ma collègue allait servir cet individu sans savoir vivre qui pointait le bout de son nez à la fermeture…
— Je vais prendre le plumetis gris…
           Hallelujah ! J’encaissai rapidement son article et lui rendis sa carte vitale ainsi que son ordonnance avant de lui souhaiter une bonne soirée.
           Je tournai aussitôt les talons pour rejoindre le reste de mes collègues qui avaient déjà toutes enfilé leurs vestes… Mais par politesse, nous attendions que Sylvie ait fini de servir son client pour pouvoir partir.
           Margaux devait déjà être arrivée. J’espérais qu’elle n’était pas en train de boire…
           Lorsque mon amie abusait de l’alcool, elle ne pouvait plus contrôler ses paroles, elle disait la vérité. Toute la vérité, aussi désagréable soit-elle. Dans mon propre intérêt je ne pouvais qu’espérer qu’elle garderait pour elle ce que j’avais pu lui dire la veille sur Fili…
           Je regrettais déjà de m’être confiée à elle.
Sylvie revint dans la réserve, fidèle à elle-même, en se dandinant gaiement… C’était un véritable boute-en-train !
           La semaine dernière, elle m’avait longuement questionnée sur mes nouvelles fréquentations. C’était une femme craignant l’inconnu, par conséquent elle ne connaissait personne venant de la Terre du Milieu.
           Mais en y repensant, aucune de mes collègues de travail n’avait essayé de nouer des liens amicaux avec les nouveaux arrivants.
           Elles n’espéraient toutes qu’une seule chose : leur départ.
La veille, Legolas m’avait confié que plusieurs mages de leur monde étaient en train de mettre au point un élixir qui devrait pouvoir tous les ramener chez eux… Mais pour le moment, comme seul résultat le "grand" Istari Pallando avait réussi à colorer sa longue barbe blanche en bleu ! Lorsqu’il m’avait raconté cela, je m’étais aussitôt sentie soulagée car cela voulait donc dire que mes amis n’étaient pas prêts de partir !
           Nous nous dîmes toutes au revoir sur le parking boueux de la pharmacie… Le temps avait complètement changé. J’avais troqué ma robe contre un pull et un K-way et j’avais, bien entendu, choisi la bonne journée pour me faire un brushing !
           Je courus aussi rapide que l’éclair vers ma voiture avant que mes boucles brunes ne réapparaissent !
           Heureusement que nous n’avions pas eu ce temps là hier, ou le gala des elfes aurait été un fiasco total l


Kili

           Nous nous étions tous réunis dans ce petit pub que mon frère avait repéré quelques jours plus tôt… Ici l’alcool coulait à flots ! Le patron venait d’une contrée qui s’appelait l’Irlande et à l’entendre son pays était l’un des premiers consommateurs d’alcool !
           De la bière à perte de vue… Nous aurions dû plutôt atterrir sur cette île que dans cette ville… Il y a quelques jours à peine, nous étions tous en train d’agoniser sous une chaleur étouffante et voilà qu’aujourd’hui, une tempête se préparait !
           Dehors, il soufflait si fort que le chapeau de Bofur s’était envolé. Il n’avait même pas essayé de courir après pour le récupérer car celui-ci était tombé à la mer…
           Mon frère Fili me donna un coup de coude, me ramenant à la réalité.
— On devrait peut-être intervenir, commença-t-il à s’inquiéter. A ce rythme, elle va perdre connaissance !
           Mon frère avait raison car à cette cadence, Margaux ne tiendrait pas longtemps. Il faut dire que cette miss avait choisi un adversaire de taille : Dwalin.
           Ils étaient tout deux en train de faire un concours de shot, avec un alcool que les humains de ce monde appelaient whisky. Se mesurer à un nain, mais qu’est-ce qu’elle était bête !
— Bon allez Dwalin la soirée n’a pas encore commencé qu’elle est déjà ivre, venait d’intervenir Fili en éloignant les shooters de la jeune fille. Thorin et Serra ne devraient pas tarder à arriver. Elle m’a dit qu’il ne fallait pas la faire boire parce qu’elle réagissait plutôt mal à l’alcool...
— Vous n’êtes pas encore mariés qu’elle te donne déjà des ordres celle-là ! s’esclaffa Dwalin avec son frère Balin
           Mais oui, elle ne nous en avait pas expliqué la raison ! Que pouvait-elle bien faire de mal ? C’était peut-être le genre de fille à se déshabiller lorsqu’elle était saoule ?…
— Et pourquoi d’ailleurs ? demandai-je à cette gente demoiselle sur un ton moqueur.
           La jeune femme baragouina quelque chose d’incompréhensible. J’avais beau tendre l’oreille, je n’arrivais pas à comprendre !
           Elle arracha la pipe de la bouche de Bifur et en inspira une bonne bouffée ce qui la fit tousser à pleins poumons en faisant rire toute l’assemblée.
           Dans les quelques bégayements qu’elle avait pu émettre auparavant j’avais pu discerner les mots "dis" et "vérité".
— On l’a vraiment mise dans un sale état, rigolai-je.
           Elle inspira un bon coup, ses deux mains retenant fermement sa tête et tout en se concentrant, elle réussit à dire clairement :
— Je dis toute la vérité… Mais heureusement je perds connaissance avant !
— Tu entends ça ? murmurai-je tout doucement  à mon frère. C’est le moment idéal pour lui poser des questions.
           Je tendis une belle pinte à la jeune femme tout en observant la réaction de Fili. Celui-ci n’avait pour seul réflexe de trifouiller nerveusement l’une de ses tresses.             Je n’avais jamais vu une femme le mettre dans un état pareil…
           Au physique comme au moral, mon frère ne me ressemblait pas tellement, il s’apparentait plus à notre oncle Thorin. Tout comme lui, il n’était pas très bavard et préférait la compagnie des armes plutôt que celle des femmes.
S’il ne se décidait pas rapidement, j’allais devoir me lancer dans l’interrogatoire…
— Je ne sais pas si c’est une bonne idée… Hier soir, je lui ai proposé de venir nous rejoindre… Non, je lui ai proposé de m’accompagner, rectifia-t-il. Elle s’est arrangée pour venir mais avec "Miss Shot"…
           Ses yeux bleus étaient remplis de déception et il se contenta de hausser les épaules pour faire comme si cela lui importait peu.
           Je devais bien reconnaître que cela se présentait plutôt mal pour lui, les sentiments n’avaient pas l’air d’être réciproques entre eux deux. Mais bon, autant en avoir le cœur net…
— Dis voir Margaux, ton amie… C’est quoi son genre d’homme ? lui demandai-je en haussant un sourcil.
           La seule réponse que je pus obtenir d’elle, ce fut de la voir agiter grossièrement la pipe de Bifur comme un bébé l’aurait fait avec son hochet. J’étais à mon tour très mal à l’aise car je n’avais aucune envie qu’elle aille s’imaginer que j’avais des vues sur son amie… Surtout si cette fille n’était pas capable de tenir sa langue.
— Elle m’a piqué mon elfe ! s’écria-t-elle subitement.
— Qu’est-ce que tu dis ? s’emporta aussitôt mon frère.
— Legolas l’a tenue par la taille tooooouuuute la soirée ! Je suis sûre que ces petits cachotiers se sont embrassés ! le nargua-t-elle.
           Je portai rapidement ma main au bras de mon frère pour l’apaiser. C’était tout bonnement impossible. Non, pas Legolas ! Serra était une jeune fille bien, jamais elle n’aurait flirté avec le fils de notre ennemi juré !
— Ne l’écoute pas, elle dit n’importe quoi. Non mais sérieusement, tu l’as vue elle est complètement ivre ! répondis-je en essayant de paraitre crédible.
Margaux frappa violement la table avec son poing avant de pointer du doigt notre oncle Thorin.
           Celui-ci se dirigeait d’un pas lourd vers la petite assemblée. Il était de mauvaise humeur, comme à son habitude. Il attrapa un tabouret et s’y installa à califourchon. Il venait de quitter notre conseil et était très probablement porteur de mauvaises nouvelles. Il n’avait même pas pris la peine d’ôter son armure avant de nous rejoindre… Il s’apprêtait à parler, mais Margaux l’en empêcha.
— Oh mon Dieu ! Elle va t’sauter d’ssus et t’arracher ton armure !  Elle aime les hommes en armure, s’esclaffa-t-elle. Elle aime les hommes en armure… En ar…
           Et elle s’écroula sur Gloïn… Sa tête vint heurter les cuisses musclées du nain roux. Mécontent, il repoussa la jeune femme avec l’aide d’Oïn et son corps roula sous la table.
— Ne fais pas attention à elle, elle a trop bu ! Revenons-en à l’essentiel, quelles sont les mauvaises nouvelles ? intervint Balin.
           Thorin se pencha pour regarder la jeune femme d’un peu plus près. Margaux semblait confortablement installée à nos pieds car elle ronflait paisiblement. Il ne restait plus qu’à espérer qu’on ne l’entende plus de la soirée !
— C’est elle, la jeune femme dont tu m’avais parlé ? demanda-t-il à mon frère sur un air sérieux.
— Non, ce n’est qu’une amie à elle… Je te rassure, Serra n’est pas du tout comme ça, mais elle est en retard elle vient seulement de quitter son travail, vu l’heure qu’il est…
— En retard ? Ça promet…

           Notre père Dwalik étant mort, c’était donc Thorin qui avait pris la relève et qui nous avait élevés comme ses propres fils. Il avait promis à notre mère Dis de veiller sur nous, quoi qu’il en coûte et de se comporter comme un père digne… Ce qui signifiait que nous devions avoir son consentement pour pouvoir nous marier.
           Pour Thorin, le mariage n’était qu’une perte de temps. Il n’avait et n’aurait donc aucune épouse à ses côtés pour le restant de ses jours, autrement dit aucun descendant. C’était à ce moment-là que mon frère et moi intervenions dans l’histoire de notre famille.…
           Nous étions tous deux de sang royal (et à la plus grande joie de Thorin, aucun humain de ce monde n’était au courant). Ce qui impliquait que l’un d’entre nous devrait un jour succéder à notre oncle sur le trône.
           Mon frère aimait une humaine… Pour ma part, j’avais beaucoup de succès auprès des belles naines…
           Mais je ne pouvais m’empêcher de repenser à cette elfe que j’avais vue durant une réception organisée par le seigneur Elrond. Elle était si belle, fine, la peau douce (enfin, je supposais) et des cheveux semblables à de la soie… C’est à ce moment-là que j’avais su qu’un jour, j’épouserais une elfe.
Le souci était donc là.
           L’un de nous deux allait devoir renoncer à choisir son épouse et subir un mariage forcé de façon à ce qu’il y ait un véritable héritier de sang pur pour perpétuer la lignée de Durin…
           Fili devait y songer au moment même. Cela me préoccupait également car je ne voulais pas vivre aux côtés d’une femme que je devrais apprendre à aimer.
           Thorin s’était raclé la gorge pour capter notre attention.
— Comme je m’apprêtais à vous le dire avant d’être interrompu par cette apathique jeune femme… Je suis porteur de mauvaises nouvelles ! L’heure est grave, mes amis ! Les Istaris n’ont pour le moment trouvé aucune solution pour nous ramener dans notre monde… Et comme vous le savez surement, le jour de Durin approche…
— Bonjour tout le monde !
           Serra venait d’entrer dans le pub, complètement trempée le visage caché sous une étrange capuche. Elle retira rapidement sa veste nous laissant apercevoir un gros pull à col roulé. Ce vêtement l’enlaidissait ! Mais qu’avait-elle fait à ses cheveux ? Où étaient passées ses belles boucles brunes ?
           La pauvre arrivait au mauvais moment… Notre oncle n’allait pas apprécier cette seconde interruption, féminine de surcroit.


Serra

           Etrange… Je ne m’attendais pas à ce genre d’accueil de la part de mes amis. En temps normal, ils étaient plutôt ravis de me voir…
Un nain que je ne connaissais pas encore se retourna et m’examina attentivement. Je fis de même.
           Il avait les yeux bleus, un nez assez fin pour quelqu’un de sa race et une tignasse noire d’ébène très épaisse qui recouvrait son dos. Il devait avoir un certain âge car on pouvait très bien discerner des cheveux blancs dans cet amas foncé.
Pour un nain âgé, il n’était pas si barbu que ça…  
           Il portait une armure d’or et d’argent… C’était la première fois que je voyais une personne en porter une ! Je trouvais ça… Elégant ? Non, ce n’est pas le bon terme… Je dirai plutôt…
           Je marchai lentement vers ce nain dont j’ignorai le nom. Plus je me rapprochais de lui, plus j’éprouvais une étrange sensation… Je m’apprêtais à me présenter mais Fili m’attrapa par le poignet et me força à m’asseoir sur ses genoux, m’empêchant d’en dire d’avantage en plaquant sa main sur ma bouche.
           Ne pouvant parler, je voulus lever les bras et commençai à gémir de mécontentement mais Kili vint me les coller le long du corps.
           Ok, il ne fallait pas être Bac+4 pour comprendre que je devais me taire, mais Fili aurait pu au moins virer ses grosses mains de sur mon visage…
           J’espère que tu fais partie de ces personnes qui se lavent les mains en sortant des toilettes ! ne pus-je m’empêcher de penser silencieusement.
           J’étais donc saucissonnée par deux nains, en train d’attendre que quelque chose se passe.
C’est alors que le petit nouveau… non, le grand nouveau, devrais-je plutôt dire… se leva, et pour un nain, il était plutôt grand, voire balaise comme Dwalin. Ils avaient peut-être le même âge, en y pensant.
— Comme je le disais avant d’être coupé une seconde fois l’heure est grave. Si nous ne pouvons rentrer à temps dans notre monde, nous devrons attendre la prochaine lune de Durin… Et qui sait quand cela pourra bien se produire ?
— Gandalf doit le savoir ! s’exclama Ori.
— Je ne tiens pas à le déranger davantage, qu’il se contente de nous ramener à temps dans notre monde ! rétorqua-t-il.  
— Mais ce n’est pas tout, il faut que l’on mette au point un plan pour éliminer Smaug… s’inquiéta Balin.
— Oui, en effet. Nous le devons, mais pas maintenant car nous sommes en mauvaise compagnie, avait-il répondu sèchement en me lançant des éclairs avec ses yeux bleus.

           J’avais connu plus amical ! Il partit vers le bar pour se servir en alcool comme aucune serveuse n’était venue prendre sa commande.
           Fili attendit qu’il s’éloigne pour retirer sa main de ma bouche.
— Non mais c’est quoi cet accueil ? Vous vous moquez de moi ?
— Parle moins fort, Thorin a un caractère de nain… Il n’aime pas être interrompu par les femmes.
— Et être interrompu par des hommes par contre, cela ne le gêne pas ? Sérieusement, lâche-moi, tu me fais mal ! m’écriai-je furieuse. Où est Margaux ?
           J’avais moi aussi un sale caractère, comme celui de son oncle ! Il valait mieux pour lui qu’il ne me cherche pas des noises…
— Sous la table ! répondit Gloin, fier de lui.
           Étonnée, je m’étais penchée et je pus constater qu’il disait vrai.
— Vous êtes complètement cinglées, vous la laissez dormir sur le dos ! Mais elle pourrait s’étouffer !
— Pourquoi est-ce que tu voudrais qu’elle s’étouffe ? s’étonna Fili.
— A cause de l’alcool, abruti !
           Je tirai le corps de mon amie de sous la table et la mis en position assise. Ce n’est qu’après que je m’étais rendue compte que je venais de les traiter de cinglés, et Fili d’abruti. Les mots m’avaient échappé…
           Je jetai rapidement un regard vers mon ami, sa bouche était grande ouverte. Il devait être en train d’encaisser mon insulte…
           Il y a pire comme injure… S’il te plait, ne m’en fais pas tout un drame !
— Tu ferais mieux de décamper d’ici, et rapidement ! m’ordonna Kili en beuglant aussi fort que possible.
           La plupart des personnes présentes dans le pub avaient arrêté leurs conversations pour nous observer attentivement. Je m’étais sentie soudainement très mal à l’aise et seule, tous les yeux rivés sur moi… Mais les pires étaient ceux de Kili. Tant de haine et de rancœur à mon égard.
           Tu as insulté son frère, petite sotte. Ne t’étonne donc pas s’il s’en prend à toi…
—Tu es sourde ? insista-t-il.
           Fili n’intervenait pas et je pouvais le comprendre. Je me suis donc relevée pour m’habiller, ainsi que mon amie… Puis je l’ai attrapée en mettant son bras autour de mon cou pour pouvoir la porter plus facilement.
— Je suis désolée, je ne le pensais pas.
           Je partis aussitôt sans me retourner. Ce malaise désagréable… allait-il durer ?


Deux jours plus tard

Serra

           J’étais cloîtrée dans ma chambre car aujourd’hui, je ne travaillais pas. Mais aussi parce que je n’avais pas eu de nouvelles de mes amis nains…  
           Est-ce qu’on était toujours amis, ou est-ce que nous l’avions été au moins ? Impossible de le savoir en restant ici.
           Orion ronronnait de bonheur à chaque gratouille que je lui faisais. Si seulement je pouvais me sentir aussi bien que lui…
           Les parents de Margaux étaient eux aussi furieux contre moi pour l’autre soir, car leur fille n’avait pas arrêté de vomir une fois chez elle… Quand je pense qu’elle aurait pu mourir étouffée dans son vomi si je n’étais pas arrivée à temps !
           Comme si cela n’avait pas été suffisant, ma mère m’avait donné de ses nouvelles ! Tout comme les autres, elle était en colère après moi pour tout l’argent dépensé dans la robe de soirée... Si je ne vivais pas seule, elle m’aurait coupé les vivres…
           Ce matin, j’avais eu un appel de Tauriel. Elle avait enfin réussi à utiliser mon vieux portable que je lui avais offert pour qu’on puisse discuter toutes les deux… Cerise sur le gâteau, le roi Thranduil exigeait les fruits et légumes qui lui revenaient de droit !
           Il voulait une trentaine de kilos de produits frais… Son fils n’avait pas du comprendre la notion de "petit potager”.
           La belle rouquine allait donc me rejoindre à la maison plus tard dans la journée, pour récupérer les provisions de son seigneur… J’aurais tant aimé qu’elle vienne me voir pour une toute autre raison.
           Bon, je devais bien admettre que je m‘étais montrée odieuse avec son roi, je n’avais donc pas de raison de me plaindre… Mais j’espérais tout de même que ma mère ne renterait pas de si tôt, car si elle découvrait son potager vide, elle me poserait un millier de questions et je n’avais pas envie de me prendre la tête étant donné que je la voyais si rarement…
           Pour mes petits hommes, je leur avais préparé des financiers à la framboise… Je doutais que cela soit suffisant, pourtant, ce n’était pas à moi de m’excuser. Maudit soit ce caractère de nain ! Margaux aurait pu en mourir !
           Tu les as insultés, assume.
           Je remis mon gros pépère dans sa cage avant de me laver les mains.
Pas de panier, pas de chichis cette fois-ci. Je me suis contentée de mettre les gâteaux dans un tupperware en plastique.
           Je partis de chez moi en appréhendant les retrouvailles. J’avais beau essayer de marcher lentement pour faire durer le trajet mais leur maison était juste à côté de la mienne !
Thorin.
           Ma démarche lente me fit repenser à ce nain. Ses neveux ne m’avaient pas beaucoup parlé de lui, mais vu comment il s’était montré odieux avec moi, il ne devait pas être marié… Et si jamais c’était le cas, je plaignais son épouse… À moins qu’elle ne soit comme lui !

           J’ouvris le portillon et en me retournant, je sursautai de stupeur ! J’avais lâché mes gâteaux par terre…
Une vache.
           Une grosse vache noire en plein milieu de la cour. Elle était là, devant moi, attachée au petit muret juste en face de la maison.
— C’est quoi ça ? m’écriai-je. Fili, Kili, qu’est-ce qu’il se passe ici ?
           Je pris soin de contourner l’animal… C’était idiot, il n’allait pas m’attaquer, il avait même l’air d’être terrifié !
           Les deux frères sortirent à la hâte, suivis de près par leur oncle sexiste que j’avais aperçu rapidement la dernière fois. Sans son armure, il paraissait plus petit, mais pas moins impressionnant…
— Chez vous, on appelle ça une vache, me répondit Dwalin derrière mon dos.
           Je m’étais aussitôt retournée et j’avais aperçu mon ami armé de sa hache. Pourquoi l’avait-il sortie ? A quoi bon? Je ne voyais pas de buche à ses pieds…
— Serra ! Qu’est-ce que tu fais là ? Tu devrais partir, on ne veut pas de toi ici ! vociféra Kili.
— Oh c’est bon, arrête, je ne lui en veux pas pour si peu ! s’emporta Fili. Par contre, tu pourrais peut-être nous expliquer cette histoire, comme quoi tu te serais faite peloter toute la soirée par le fils du roi Thranduil ?
— Pour commencer, je suis une grande fille, je me fais "peloter" par qui je veux, tu n’es pas mon père ! Legolas est la chasse gardée de Margaux… Cette fille est une vraie furie ! Comment a-t-elle pu imaginer ça ?
— Mais non, ce n’est pas elle qui m’en a parlé !
— Allons, ne me prend pas pour une idiote !
           Les bras croisés, je ne pouvais qu’être contente que Margaux n’en ait pas dit davantage, surtout au sujet du jeune nain. Et puis, la bonne nouvelle, c’était que Fili ne m’en voulait pas…
           Mais pourquoi diable y avait-il une vache dans leur jardin ? D’où venait-elle d’ailleurs ? Je m’étais rapprochée de la bête, un peu hésitante car je ne m’étais encore jamais retrouvée aussi près d’une vache… Mais elle avait bien plus peur que moi ! Si elle n’avait pas été accrochée au muret, elle aurait cavalé aussi vite que possible.
— C’est pour le repas de ce soir, me répondit Kili avec un large sourire.
           Le repas de ce soir… J’avais du mal entendre ! Quoi ? Ils allaient tuer cette pauvre bête à coups de hache ? Il suffisait que je m’absente une journée pour qu’ils aient tous la folie des grandeurs !
— Vous avez volé cette vache ?
— Non, elle était toute seule, y’en avait plein d’autres mais… une, ça devrait nous suffire…
           Fili était en train de me mentir comme un petit garçon le ferait à sa mère… Il frottait le bout de sa botte sur les gravillons pour éviter de croiser mon regard. Qu’est-ce qui n’allait pas chez ces nains ?
           Je ne portais pas Thranduil dans mon cœur, mais lui au moins il n’aurait pas traîné cette pauvre bête jusque chez lui pour la massacrer sauvagement.
           Garde ton calme.
           Respire.
— Vous ne pouvez pas abattre cette vache ! C’est interdit par la loi, les animaux sont protégés ! protestai-je.
— La viande que tu manges ne tombe pas du ciel ! s’emporta Thorin.
           Oh, il fallait qu’il la ramène celui-là !
— Non en effet, mais elle n’est pas volée ! Je l’achète comme toutes les personnes éduquées de ce monde ! Vous n’avez pas le droit d’agir de cette manière, et devant les voisins en plein milieu de votre jardin en plus ! Vous avez accepté nos conditions, vous devez ranger vos armes !
— Et puis quoi encore ? On n’a plus rien à manger à part des pommes de terre ! cria Dwalin.
           Bofur se reprocha de moi en m’enlaçant dans ses bras comme s’il essayait de me dissuader de faire une bêtise. Il portait toujours ses deux éternelles petites tresses mais il n’avait plus son chapeau ! Sans, c’était un tout autre petit homme !
— Allons allons, calme toi ! On te gardera le meilleur morceau… avec des bonnes pommes de terre… Imagine…
— J’imagine très bien ! Oui ! Vous voulez des pommes de terre ? Ok, je vais vous faire de la purée ! Mais ramenez cet animal où vous l’avez trouvé !
— Tu nous prends pour des doryphores peut-être ? cracha Thorin.
           S’il y avait bien un nain que je n’appréciais pas, c’était celui-ci ! Il était arrogant, désagréable… Mais de quoi se mêlait-il au juste ?
— Kili, approche voir…
           Je venais d’avoir une idée. Allait-elle marcher ? Je l’espérais car je n’avais pas franchement envie de voir ce sol maculé de sang, et la plupart des voisins étaient à leurs fenêtres… Thorin l’avait remarqué lui aussi, peut-être était-il en train de changer d’avis ?
           Kili me tendit son oreille, et tout bas, je lui avais murmuré :
— Je connais une très belle elfe du nom de Tauriel… Elle est seule, et elle doit passer chez moi cet après-midi… Si elle apprend que vous avez tué cet animal sans défense de sang froid, je doute qu’elle accepterait de te rencontrer… Je lui ai tant parlé de toi… ce serait si dommage que tu rates cette opportunité ! ».
           Il me jeta un regard étonné et joyeux avant d’ordonner aux autres de ramener la bête dans son pré. Dwalin et Bofur s’y opposèrent, mais Thorin insista, les voisins étant trop curieux, il ne tenait pas à ce qu’ils aient des ennuis.
           Kili était heureux… Mais Tauriel ? Je lui avais certes parlé du nain mais comme toutes les autres, elle n’avait pas souhaité le rencontrer. Il allait donc falloir que je m’arrange pour la duper... Et puis, en repensant j’avais bien dit à Kili qu’il ne s’agissait que d’un tête à tête, pas d’un mariage !
— Cette purée a intérêt à être prête à mon retour ! hurla Dwalin mécontent à l’idée de ne pas manger de viande.
           Cause toujours, tu m’intéresses !
           Je récupérai mes petits financiers avant de rentrer dans la maison. Je montai les escaliers suivie de très près par Thorin qui semblait surpris que je fasse comme chez moi… Bah après tout, Fili était d’accord ! Je gagnai donc le second étage où se situait "ma" chambre pour y cacher les gâteaux. Je n’en avais pas fait beaucoup et il ne fallait pas que Bombur les trouve...
           Arrivée devant ma porte, je l’ouvris en la faisant coulisser…
Où étaient passées mes affaires ? Non, ce n’était pas possible la pièce avait complètement été vidée ! J’avais laissé quelques vêtements de change dans l’armoire et des livres de science pour Ori… Plus rien !
— Un problème ?
— Où sont mes affaires ? lui demandai-je surprise.
— Ah oui. Je les ai jetées. Je ne pensais pas vous revoir ! Avec un peu de chance… Vos… « éboueurs » ne sont pas encore passés ! Vous devriez vous dépêcher !
           Je m’étais trompée à son sujet. Thorin savait sourire et à ce moment même, il se moquait même de moi.  
Pourquoi ?
           Je me suis mise à dévaler les escaliers à toute vitesse, espérant récupérer les quelques affaires que j’avais pu laisser…
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